Le corps, "chose insensée" disait PLATON, est à la fois thème et sujet artistique majeur, presque exclusif et obsessionnel, dans les photos de Louis BLANC. C'est son propre corps qu'il décline en noir et blanc, compose avec minutie, utopie, sublime folie, ironie, entre ressemblance, vraisemblance et dissemblance.
Le corps vivant insaisissable dans ses distorsions excessives, ses transgressions par rapport aux structures normatives artistiques, de l'autre, des silhouettes matricielles codifiées, parfois uniformisées.
Au-delà du visuel, les autoportraits corporels de Louis Blanc nous invitent à exercer un regard individuel sur nous même ou autrui concentré sur l'axe unique et vivant d' un corps polymorphe personnel qui pose en "désordre" dans un espace-temps neutre.
Louis compose et défait à la perfection, décompose passionnément, feint de dévoiler un corps à découvert qu'on ne peut réellement découvrir, un corps sans figure vraiment visible mais à plusieurs visages, un corps transfiguré en exil intérieur, tourmenté, qui semble souvent privé d'espace, contorsionné dans une bulle. Une charge émotionnelle intense, troublante, une gestualité fantastique des formes, des recherches et expressions plastiques qui donnent l'illusion d'un miroir déformant à l'infini. Des glissements "défiguratifs" en quelques fractions de secondes, des passages expressionnistes, des flux d'énergie sur un thème unique dont l'objet, le corps détourné mais aussi nos certitudes, volent intérieurement en éclat, implosent, se fragmentent non sans souffrance, jusqu'à l'abstraction même du sujet.
Parfois deux corps plastiquement assemblés, modelés, ne font qu'un seul volume. On a envie de bouger pour discerner, contourner, on oublie la bidimensionnalité du support. Le corps est à la fois pose et mouvement qui suspend ou retient son envol le temps de prises de vue originales, surprenantes; on s'attend à le voir s'animer, respirer, se détendre. Une beauté poétique, surréaliste, hors des canons classiques. Une nudité humaine sculpturale sans érotisme ni rapport d'intimité ou de sensualité. Des captations de forces, de rythmes harmonieux, d'équilibres graphiques audacieux, des jeux de profondeur, d'ombres et de lumières, de textures, de luisances charnelles. L'expression artistique pure de turbulences corporelles, de chorégraphies fascinantes, de métamorphoses défiantes qui ont le pouvoir simultané de nous émouvoir tout en nous faisant sourire. Un mélange paradoxal de vulnérabilité, de puissance, de distance entre soi et soi-même, de mystère, d'afflictions sous-jacentes, une communication profonde, percutante, poignante, dans un silence résonnant.
Le corps est ici à la fois le théâtre de l'âme et l'expression quintessentielle d'une beauté plastique, poétique, artistique. Un corps de tous les possibles tant qu'on conserve le pouvoir sur lui, un corps incarné d'une intériorité irradiante entre l'être et le paraître. Une pureté plastique absolue.
Marie-Hélène BARREAU MONTBAZET
Vice-Présidente de Maecene Arts
Docteur en histoire de l'art